De la Culture en Afrique

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Thierno M. SOW

12 décembre 08

 

 -L’art africain n’existe pas, l’Afrique c’est de l’art.*

  -La culture africaine s’exporte partout dans le monde,

sauf en Afrique**. 

            

Les  Etats  d’Afrique  des  Caraïbes et    du  Pacifique (ACP)  semblent  cheminer  à  la  périphérie  du monde.  Au  début  des  années  80,  ils  ne  représentaient  que  6 %  des  activités  de  la  haute finance  et des  échanges  commerciaux  sur  l’ensemble  du  globe  avant d’amorcer  une  chute vertigineuse  de  -1,5 %  par  an.  Pourtant  depuis  1960,  années  de  la  décolonisation,  les processus de démocratisation ainsi que les défis social et économique semblent reléguer les politiques culturelles nationales au second plan. Or, les acteurs culturels des pays ACP font montre d’une grande capacité créatrice.

En  effet,  la  culture  des  pays  du  sud  est  représentée  à  tous  les  rendez-vous  culturels internationaux.  Ce  premier  constat  démontre  par ailleurs, l’influence  des  marchés extérieurs sur les orientations artistiques dans les pays du Sud. En effet, l’Europe et surtout les pays anglo-saxons demeurent les plus grands consommateurs d’Art afro-caribéen.  Aussi, est-il vrai que le regard de l’Europe a changé de manière significative la culture et les  arts  des  pays  du  Sud.  Mieux,  au-delà  des  regards  et  des  sensibilités,  l’apparition  d’une coopération  culturelle  nord-sud  dans  les  années  1980  a  littéralement  redessiné  la  carte culturelle des pays ACP. 

En effet, l’absence de politique culturelle sur l’ensemble des pays ACP a provoqué un vide que les institutions internationales ont tenté de combler pour aider à la mise en place d’une industrie  culturelle  génératrice  de  ressources. Toutefois, la multiplication des initiatives locales, les débats menés par les acteurs culturels intra ACP  ont fini par  créer  une forme  de  conscience  politique  autour  des  enjeux  culturels mondiaux.  Les  effets  immédiats  ont été l’engagement  des  Etats  dans  la  promotion  de  la diversité culturelle et la déclaration de Dakar en juin 2003 des ministres de la culture pour la création d’un fonds de soutien des industries culturelles ACP.

Par ailleurs, si les acteurs culturels évoluent encore dans  la  clandestinité  et que leur profession demeure  une  fiction  juridique dans  la  majeure  partie  des  pays ACP, la  question  fondamentale  est  de  sortir  d’abord  de  l’échec  de  plus  de  quarante  ans  de coopération nord-sud et de l’avenir encore flou des pays ACP dans le domaine culturel.

 C’est en pleine crise financière que les Etats africains doivent donner des réponses conséquentes pour favoriser l’expression d’une industrie culturelle viable et autonome. Au même moment l’Europe s’engage dans une nouvelle aire dans le management et l’évaluation de l’action publique en matière culturelle, la notion de performance vient occuper une place centrale dans l’établissement des indicateurs de gestion. En effet, les  professionnels s’opposent aux économistes quant à la  notion  de financement  et  tentent-ils  de  déterminer  la  primauté  du  financement  de  la  demande  au détriment de la création.

 Dans le cadre cet article, nous allons tenter de dégager quelques pistes de réflexion pour favoriser l’expression d’une industrie culturelle viable et autonome, d’une part et forcer le trait des mauvaises pratiques qui ont ruiné la coopération culturelle nord-sud, d’autre part.

Des mauvaises pratiques

Nous avons isolés quatre (4) principales pratiques comme facteurs limitant à l’expression d’un échange culturel équilibré.

L’approche Conceptuelle est une conséquence du modèle diplomatique et administratif francophone qui s’appuie sur une rationalisation à outrance qui procure certes beaucoup de plaisirs intellectuels mais qui est hélas trop peu efficace (lire Pierre Hassner et Justin Vaïsse, Washington & le monde, SCIENCES PO). Elle part d’un bon sentiment lorsqu’il s’agit de la coopération nord-sud et recoupe avec l’idée qu’une charge de neutralité dans la formule adoptée est un gage de succès. Or, le plus souvent la figure de style utilisée est en soi un oxymore qui résume plus une finalité qu’un processus ou un chemin à parcourir. Dans une perspective historique, nous pouvons rappeler quelques épisodes dans le domaine de la coopération culturelle notamment avec l’apparition du concept d’abord de l’aide, puis de l’assistance technique, enfin de l’appui aux initiatives. De la conceptualisation du contenant nous sommes passé à la nomenclature du contenu, de la métonymie à la synecdoque cela donne l’équation : acteur culturel = opérateur culturel, puis opérateur culturel = opérateurs culturels en réseau. Dans un registre plus global, l’exemple le plus éloquent et le plus récent est celui de "Co-développement". Ce néologisme traduit à lui tout seul tout le malaise de la coopération nord-sud notamment dans le domaine culturel. En effet de deux choses l’une, soit ce concept concerne deux pays développés qui s’engagent dans un processus commun de stabilité ou de non régression économique, soit il concerne deux pays pauvres en vue d’un objectif commun de développement. Or, l’idée qu’un pays déjà développé veuille se développer à nouveau ressemble à une pratique unilatérale sans vaseline.

Le paracétamol institutionnel qui découle de cette approche est bien évidemment la création de toute une série d’organes et de programmes dotés de moyens relativement faibles pour faire face à une demande culturelle précise et largement ambitieuse. En effet, tous les programmes et fonds d’aide à la culture mis en place depuis 1960 pour soutenir la création culturelle africaine se sont liquéfiés dans des frais de fonctionnement avec un taux d’absorption extrêmement faible de leurs subventions. Mais là où le bas blesse, c’est dans la faiblesse de ces reliques budgétaires qui contrastent d’avec l’urgence et l’étendue de la demande. En effet, nous continuons à nous poser la question à savoir comment un fonds de 10 millions d’euros peut avoir la prétention de répondre à la demande de tous les acteurs culturels africains, toute discipline artistique confondue ? Ce que les institutions accordent au soutien au développement culturel de tout un continent constitue par ailleurs l’équivalent du budget d’un seul événement culturel en Europe.

L’ingérence culturelle devient alors une pratique de fait dû à l’obligation pour les programmes de soutien d’agir selon des priorités le plus souvent subjectives. En effet, devant la faiblesse des politiques culturelles nationales (-pour diverses raisons, nous y reviendrons-), les programmes de soutien à la culture passent pour des substituts à l’administration culturelle locale. Ainsi, une mauvaise politique de priorité et un manque de planification stratégique vont contribuer au déséquilibre de l’écosystème culturel sur le continent africain.  C’est ainsi que la capitalisation artistique a redessiné la carte culturelle de l’Afrique avec les conséquences désastreuses que nous connaissons dans les pays les plus faibles. En effet, le soutien massif de la danse en Madagascar, du Cinéma à Ouagadougou, de l’Art contemporain à Dakar, de la photo au Mali semble plus répondre aux besoins d’un parcours touristique qu’au maintien et à la sauvegarde de l’écosystème culturel et du patrimoine immatériel en Afrique.

 Nous pouvons dire avec certitude que dans les années 80, la photo se pratiquait dans le même schéma (portrait studio, reportages des fêtes traditionnelles) et dans les mêmes proportions tant au Mali  que dans toute l’Afrique de l’Ouest. La disparition de cette pratique vient de l’absence de perspective de développement artistique qui s’accentue avec l’émergence du numérique. Pourtant, il existe partout en Afrique les mêmes fêtes et le même engouement pour le photoreportage. Par ailleurs, dans une autre discipline, les jeunes Goréens prétendent, pour la majeure partie, qu’ils peuvent exposer à la biennale de Dakar. Pourquoi Pas ? Il n’est pas interdit de rêver mais cela révèle également que la concentration ou la capitalisation dévalorise à long terme un genre artistique.

 Dans un autre cas de figure, lorsque nous avions réalisé une étude pour la mise en place d’un programme d’appui aux politiques culturelles au sein du NEPAD, nous avions souligné l’importance pour les Etats africains de disposer d’un répertoire à jour de leurs acteurs culturels. Un organe européen de coopération culturelle très connu eu vent de ce projet et s’empressa d’afficher sur son site internet son intention d’établir ce répertoire. Ce réflexe altruiste et certainement empreint de générosité semble pourtant ignorer l’ingérence que représenterait une telle initiative de sa part. En effet, au nom de quoi une entité extérieure travaillerait au fichage des acteurs d’un Etat souverain quelque soit leur domaine de compétence militaire voire culturelle à fortiori au fichage des acteurs culturels de tout un continent. Pourtant, les Etats-Unis ne disposent pas d’un répertoire à jour de leurs acteurs culturels, il en est ainsi de l’Inde et de la Chine, mais alors d’où vient cette propension à l’ingérence culturelle en Afrique ?

 Le manque de réciprocité ou l’ex-PIRE-tise Culturelle est une mauvaise pratique d’un genre nouveau qui s’accentue avec la crise financière mondiale et la protection du tissu économique européen. En effet, aucun cabinet conseils africain ne peut prétendre remporter à lui seul un marché d’offres pour l’établissement d’un fonds culturel financé par un programme européen. Pourtant n’importe quel étudiant européen qui rentre de son stage de 6 mois effectué dans une capitale africaine peut prétendre à un statut d’expert. Il ne sera pas un expert du marché Sandaga, il ne sera pas un expert de Cocody, il ne voudra même pas du statut d’expert de l’Afrique de l’Ouest : Non il est un expert du continent africain tout entier. Cela semble bien anecdotique pourtant la réciprocité n’est pas autorisée. Un jeune docteur africain qui a fait tout son parcours universitaire en Europe ne peut ni prétendre être un expert européen en Afrique, ni un expert africain en Europe. Dans aucun directoire politique en Europe un expert dans le domaine de la culture en Afrique ne sera invité à diriger une étude sectorielle dans le domaine de la culture en Europe. Or, le jeune licencié européen se retrouvera sans peine directeur de programme en Afrique d’une unité financée par l’Europe. Nous avons fait l’expérience de travailler avec des experts européens issus du secteur de la pêche et parachutés responsables d’unité de programmes culturels en Afrique. N’eut été la persistance de cet imbroglio encore de nos jours (près de 50 ans d’indépendance), nous n’aurions par pudeur éviter de forcer le trait d’un facteur aggravant dans le processus de rééquilibrage nord-sud.

 Les vecteurs du développement culturel

L’analyse de l’environnement des industries culturelles ACP révèle trois constats : Le premier constat est que les Politiques ne trouvent pas d’intérêt à investir dans un secteur au profit du privé. Le second, les institutions exécutent des programmes dont ils n’ont pas l’initiative.   Enfin,   les   artistes   se   nourrissent   de   contradictions idéologiques. Par conséquent, la grande faiblesse voire le maillon manquant  dans  l’ossature  des  industries  culturelles  est  à  trouver  auprès  d’investisseurs  et opérateurs financiers privés.

En effet, Il n’existe aucun pays au monde où l’industrie culturelle est gérée par l’Etat,  ou par les bailleurs encore moins par les artistes. Par  ailleurs,  la question de la structuration des industries culturelles repose dans les pays du sud sur la prise en compte de plusieurs facteurs limitant leur croissance et leur pérennité. En  effet,  comment  des industries  culturelles  peuvent survivre  dans  des  microcosmes linguistiques  aussi  fragmentés ?  Au  Nigéria  sur  une  population  de  plus  de  130  millions d’habitants,  soit  13  fois  le  Sénégal,  on  dénote  plus  de  500  langues  ethniques.  La  diffusion des produits culturels industriels se heurtent tout naturellement aux barrières linguistiques et culturelles.

La priorité est à la création d’un marché ACP élargi pour contrebalancer le  poids  économique  ainsi  que  la  faiblesse  du  pouvoir  d’achat  des  populations  locales. En effet, l’investissement  nécessaire  à  une  production  de  qualité  ne  trouvera  pas  de  répondant  du point de vue de la demande si l’on sait que le prix d’un cd ou d’un dvd représente le salaire mensuel d’un individu. De manière caricaturale, nous pouvons dire que nous sommes en présence d’une industrie culturelle sous perfusion des deniers publics et de la coopération internationale et destinée à des bourgeois en franc CFA : ce qui est une aberration. Pour  provoquer  l’éveil  des  consciences  et  l’émergence d’initiatives  locales  sources  de  richesse, il faudra changer  d’abord  le  mot  FCFA  (francs  des  colonies françaises  d’Afrique).   En effet, la  création  d’une  monnaie commune pourrait être l’étape charnière pour favoriser la circulation des artistes et des œuvres dans le sens sud-sud.

Nous avons conçu le projet VISA ARTISTE pour intensifier d’abord les échanges culturels sud-sud et nous mesurons mieux que quiconque ses limites en ce qu’il peut être détourné à des fins politiciennes et mercantiles. En effet, si les diffuseurs européens ont du mal à faire venir en Europe des artistes du Sud, il n’en demeure pas moins un problème à régler entre Européens (producteurs-diffuseurs-politiques). La multiplication des débats en Europe sur l’avenir de la culture en Afrique n’a aucune incidence politique ou structurelle sur le continent. Satisfaire la morale européenne est une chose mais résoudre les problèmes des artistes africains est un défi politique et social qui doit être relevé par les acteurs et politiques africains sur leur propre continent. Ainsi, une intensification de la mobilité sud-sud permettra de générer les ressources nécessaires à l’expression d’une culture vivante à l’échelle du continent. La culture africaine s’exprime plus intensément et plus régulièrement en Europe qu’en Afrique et ce dumping culturel constitue un déséquilibre à corriger.

Mieux, Les acteurs culturels africains doivent réclamer une plus grande présence de la culture Européenne en Afrique. En effet, la démocratisation de la culture s’arrête aux portes de la méditerranée. Mis à part le Maghreb, les africains du continent noir n’ont toujours pas le droit ni l’accès à l’art européen et aux artistes contemporains. Dakar est la troisième capitale du Rap au monde, mais pourquoi Tricky, le WuTang Clan et tant d’autres ne se produisent jamais à Dakar ? Pourquoi Bruce Springsteen, Guns Roses, Mark Knopfler voire même Johnny Hallyday ne rendent-ils pas visite à ceux qui les aiment et qui les espèrent ? A quand une exposition de Picasso et de Warhol à la biennale des arts de Dakar ? A quand le Louvre de Gorée ?

Bref, lorsque nous avions conçu Visa Artiste nous avions misé sur la réciprocité qui est l’unité de mesure par excellence d’une diplomatie culturelle viable performante et durable.

La  problématique  du  financement  quant  à  elle  inclut  une  analyse  fine  de  plusieurs paramètres liés à la notion de Fonds de soutien sur l’ensemble des pays ACP. En  effet,  le  commerce  intra-africain,  repose  sur  un  nombre  limité  de  pays membres de la SACD qui jouent un rôle de locomotive économique en Afrique avec un faible taux d’exportation intra-ACP (06%). Parmi les secteurs des industries culturelles, nous avons identifié celui global de la mode et de l’artisanat d’art comme secteur à fort potentiel de développement. Aujourd’hui  dans  les  ACP,  la  mode,  l’artisanat  et  la  peinture  disposent des  plus  grands rendez-vous culturels de l’Afrique et des Caraïbes à travers la biennale des Arts de Dakar et la  biennale  de  la  Havane  même  si  l’art  contemporain  ACP  occupe  encore  une  place marginale sur le marché mondial.

En effet, le secteur de l’artisanat contribue jusqu’à 1% du PIB au Mali. Fort  de  ce  constat,  l’on  peut  toujours  se  poser  la  question  du  manque  de  volonté  des politiques   publiques   quant   au   soutien   aux   industries   culturelles   et   à   la   notoriété internationale des acteurs culturels qui contraste avec leur marginalisation au plan local.

De fait, l’avenir culturel des pays ACP s’est toujours décidé ailleurs que dans le Sud. Il aura fallu attendre Alan Lomax (père et fils) musicologue de la bibliothèque du congrès américain, pour disposer des premiers enregistrements sonores du patrimoine immatériel des peuples primitifs. Puis Jean Rouch pour son inestimable contribution à la codification des pratiques traditionnelles  et  enfin  à  Martin  Scorsese  et  à  Wim  Venders  pour  disposer  de  documents inédits sur le blues et la musique cubaine en image et en couleur.

Dans tous  les  cas,  nous sommes  convaincus qu’à  la  question  originelle, que  la  culture des pays  du sud ne  peut  durablement  vivre  sous  perfusion  des  deniers  publics  de  la  coopération internationale, d’une part, parce que l’aide n’a de sens que si elle a une fin et d’autre part, parce que les pays riches sont confrontés aux mêmes problèmes économiques face à la mondialisation et à l’étroitesse des marchés financiers. Les acteurs culturels des pays riches, toute proportion gardée,   évoluent   dans   un   environnement   de   moins   en   moins   favorable   à   leur développement.

Les  politiques et les Etats du sud doivent  prendre  leur  responsabilité  et  comprendre  une  fois  pour  toute que  si  les  USA  monopolisent  plus  de  85%  de  part  du  commerce  mondial  des  industries culturelles  c’est  pour  la  simple  et  unique  raison  qu’ils  investissent  dans  ce  secteur  plus  et mieux que n’importe quel pays au monde. Le  « 501C3 »  est  le  dispositif  mis  en  place  par  le  gouvernement  américain  et  qui  est l’équivalent  en  France  des  associations  type  loi  1901.  Les  budgets  publics  consacrés  à  ces associations proviennent de l’agence fédérale des arts (National Endowment for the Arts  – NEA) et s’élèvent à 126 millions de dollars par an. Le  système  fiscal  mis  en  place  pour  favoriser  les  donations  aux  entreprises  culturelles permet  une  ristourne  fiscale conséquente.  Ce  qui  signifie contrairement  aux  idées  reçues  que  l’Etat  américain  subventionne  indirectement  toute entreprise culturelle à hauteur de 35%  (lire F. martel, Gallimard).

Nous  devons  réfléchir  à  la  mise  en  place  d’un  fonds  culturel  ACP  financé  par  le  Patronat. Nous avions déjà posé les premières fondations de ce fonds pour l’Afrique de L’Ouest au Goree Institute. Favoriser le dialogue entre acteurs privés et acteurs culturels peut être profitable aux deux  parties,  l’une  pouvant  aider  à  la  visibilité au  rayonnement  et  au  prestige  tandis  que l’autre dispose de plus de souplesse du point de vue financier.

Cette mise en relation peut être favorisée par la structuration d’une société civile culturelle professionnelle. Dans nos échanges le 23 juin dernier au siège de l’UNESCO nous avions suggéré une définition précise de celle-ci en ce que : « la société civile pourrait se distinguer par son autonomie et sa compétence culturelle et s’apprécier par la qualité, la régularité et la transparence de ses échanges avec les autorités publiques et institutionnels ». La maturité intellectuelle dans les pays du sud et l’exigence d’avancées significatives sur la question culturelle militent en faveur d’une plateforme d’échanges libre et autonome.

La lutte pour la diversité culturelle est une lutte qui doit s’entendre coûteuse et offensive car nous ne retrouverons dans la diversité culturelle que ce nous voudrions bien y mettre. Aussi,  la  modestie  des  moyens  ne  nous  dispense-t-elle  pas  de  méthode  et  d’un  sens minimum de l’organisation. En  effet,  les  artistes  et  acteurs culturels  des  pays  ACP  continuent  de se mouvoir comme  des vagabonds aux yeux de la loi du fait de l’inexistence d’un cadre juridique et réglementaire adéquat. Même dans les endroits les plus reculés de Bombay en Inde, la profession de Dobi (laveur de linge)  est  organisée  par  la  municipalité  qui  réglemente  la gestion de l’eau et des espaces.

Le développement culturel des pays du Sud ne doit plus reposer sur la conceptualisation ou l’alibi institutionnel.  L’idée de soutenir la culture parce qu’il devrait conduire au développement est une idée fausse et une voie sans issue. L’idée de soutenir et d’organiser la culture pour la culture se justifie d’elle-même. Plus spécifiquement pour les pays du sud il devient un pari que tout projet de soutien aux industries  culturelles  doit  être pris en  compte  de  manière  sérieuse  pour  faciliter  l’ancrage et la créativité et  arracher  les  jeunes  à  leurs  illusions  d’un  occident  meilleur  et  peut-être fatales. Le seul fonds qui vaille pour l’art est celui de la vie.

 Thierno M. SOW

 

* Extrait in Industries Culturelles ACP, du même auteur.

** Idem.