Infotainment,

Communiquer au 21em siècle

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Thierno M. SOW

04 Novembre 2008

 

Pourtant, suffit-il de rester 24 heures au même endroit,

pour faire le tour de la terre*.

 

Faire du divertissement une chose sérieuse, c’est sans aucun doute le défi des médias au 21emsiècle.  Dans l’étude du journalisme à l’université de Columbia, la distinction originelle et académique entre la notion d’information et de communication a évolué vers un système hybride dû à l’émergence de l’interactivité. Cependant, si communiquer nécessite un feedback là où informer interpelle la neutralité, il existe une part incompressible de subjectivité qui donne un sens et une place à l’engagement. Communiquer devient alors un acte politique et s’informer un acte citoyen.

L’histoire du journalisme est en effet intimement liée à celle des enjeux politiques. Il écrit ses lettres de noblesse dans la clandestinité et assure sa survie au cœur des conflits les plus meurtriers. Jusque dans les années 1990, à l’exception des systèmes de tract le journalisme est organisé autour de groupes de presse identifiables par leur statut juridique, mais aussi et surtout par leur ligne éditoriale qui façonne leur IDENTITE.

L’ouverture d’Arpanet (1) par Al Gore dans l’espace public coïncide avec une maturité intellectuelle et une conscience politique sans nulle autre pareille dans l’histoire de l’humanité. Jamais l’éducation intellectuelle n’avait pénétré un tel niveau social et démocratique au sein de la société.

Si en 1968, le besoin de changement pouvait être comparable à celui que nous espérions de la date symbolique de l’an 2000, les voies et méthodes d’expression ne pouvaient quant à elles que se distendre. Informer et communiquer ne voulaient plus dire la même chose.

En effet, la figure du leader charismatique de Max Weber cristallisait en 1968 un faisceau d’indices qui contribuèrent au magnétisme des stars de la scène Rock non pas parce qu’ils étaient artistiquement plus doués que leur contemporains, mais parce qu’ils étaient des sources d’information partagée en temps réel. Il se nouait autour d’eux de multiples connexions qui le temps d’un concert réunissaient plusieurs esprits plus ou moins enfumés qui communiquaient sur des valeurs communes. Etre sur la même longueur d’ondes, n’est-ce pas communiquer ?

Ainsi l’ancêtre de l’interactivité et de l’Internet serait-elle la radio ? Cette radio qui permettait à mon oncle Eliman de saisir la quintessence et la charge émotionnelle de « time are changing » de Dylan du fin fond de la brousse du Futa.

Aujourd’hui les jeunes générations snobent avec des termes et des technologies comme le WI-FI qu’elles espèrent révolutionnaires, or ignorent-elles que le WI-FI est tout simplement basé sur cette vieille bonne découverte de Mr Hertz : les fréquences hertziennes, la radio quoi ! Alors « what is born » quoi de neuf Docteur ? Ce qu’il y a de nouveau n’est donc pas technologique, c’est la libéralisation et l’accès aux outils technologiques qui nous distraient d’une ROBOCRATIE qui s’est substitué aux vraies inventions et révolutions technologiques. En effet, ce n’est pas parce que nous avons tous une radio miniaturisée dans la poche qu’il faille éteindre la bonne veille radio qui s’empoussière au coin du séjour. Le nomadisme et le miniaturisme ne seront jamais une révolution technologique tant que le nanisme ne sera pas une nouvelle espèce humaine. C’est dans ce contexte d’une société d’handicapés clouée sur de nouvelles valeurs et emmaillotée de prothèses que le journalisme moderne doit se définir au 21em siècle.

Comment survivre face à l’écrasante prolifération de sources d’informations qui réduisent l’espace public et qui explosent notre intimité ? Si Le succès des bandes dessinées, des caricatures, des marionnettes et des émissions télévisées comme le Daily Show présenté par Jon Stewart sur CNN, n’est pas encore pris en compte et intégré dans l’enseignement de la science politique en Europe, nul ne peut ignorer leur contribution considérable au sens critique de l’opinion.

Le problème n’est bien évidemment pas la qualité des journalistes ou des présentateurs, c’est la nécessité de réinventer un modèle d’information dans un environnement saturé et une part de « Brain » de plus en plus volatile.

Si la météo demeure la rubrique d’informations la plus suivie dans le monde, je soupçonne que la part réservée à l’illustration cartographique a crée pendant plusieurs années une sorte d’interactivité voire de divertissement qui a toujours été en avance sur les méthodes classiques d’information. Par ailleurs, les nouveaux jeux vidéo constituent pour l’heure un brillant cocktail d’art, d’information et de technologie qui réconcilient notre sens de l’observation et de la découverte avec l’apprentissage d’une virtualité qui ne doit en aucune manière nous priver de sens critique.

C’est avec de la matière qu’on fait de l’abstrait. L’art et la peinture ne nous ont jamais éloignés de la politique bien au contraire, pourquoi devrions-nous avoir honte d’apprendre sans souffrir ? La question déontologique voire morale est dans la détermination du seuil de cohabitation supportable entre le divertissement et la dimension tragique de l’information. En effet, si l’Infotainment n’est pas une information indolore, il existe néanmoins le risque permanent d’une dérive que l’information et la politique deviennent les supports d’un marketing d’un genre nouveau.

Dans sa course à l’investiture suprême, OBAMA a été le premier candidat et homme politique à investir la totalité des médiums de divertissement pour faire passer son message politique. Les différentes déclinaisons de l’infotainment lui ont également permis de réaliser la plus grosse opération de fundraising direct. En effet, plus de 650 million de dollars ont été ainsi mobilisés pour faire d’un « métis », le candidat le plus riche de l’histoire politique des U.S.A. Les pages Youtube des deux candidats ont enregistré un record de 33 million de visiteurs(2). Enfin, l’apparition des images holographiques réinvente le reportage journalistique et constitue une preuve supplémentaire que l’Infotainment augure de nouvelles aventures politiques, en ce qu’il réconcilie inéluctablement l’information, la communication et le divertissement.

Thierno M. SOW

* Du même auteur.

 

1 Nom du réseau d’informations, entre les services fédéraux (renseignement et gouvernement) et les chercheurs universitaires qui donnera lieu à INTERNET.

2 28 million d’internautes pour OBAMA et 05 million pour McCain, compteur du 03 Novembre, J-1 de l’investiture 2008.